Autant vous prévenir dès le départ, il s’agit là d’un sujet pour lequel je n’ai pas trouvé de réponses vraiment satisfaisantes. Pas encore.
J’aurais envie de vous dire : Les réunions professionnelles, eh bien si vous le pouvez, évitez-les !
Il s’agit en effet d’un des contextes les plus difficiles que j’ai rencontrés, parce que la conversation de groupe s’y complique d’enjeux professionnels.
Bien sûr, ce n’est pas toujours possible d’éviter ces situations, qu’il s’agisse de réunions d’équipe, de colloques, de formations, de rencontres professionnelles plus ou moins formelles ou de rendez-vous avec des clients.
D’abord, parce que notre avenir professionnel peut en dépendre largement. Cela n’est jamais bien vu, au travail, de ne « pas avoir l’esprit d’équipe », ou d’être « quelqu’un de froid et distant » qui « reste dans son coin ». Or, notre handicap auditif peut nous isoler des autres qui nous percevront alors de cette façon. Notre bilan annuel peut même en pâtir, et avec cela nos perspectives de carrière.
Ensuite, parce que des gens comptent sur nous et notre participation. La plupart des entreprises fonctionnent avec des réunions, car c’est la meilleure façon de partager des idées, de trouver des solutions ou de faire le point sur des projets. Quand on entend bien, du moins.
Parce que quand on entend pas bien, les réunions se transforment vite en cauchemar.
Pourquoi ?
Eh bien, parce qu’il s’agit d’un groupe de personnes dans une salle souvent trop grande, au plafond trop haut ou à l’acoustique déficiente. Certaines personnes sont timides et parlent en murmurant presque, ou en mettant la main devant la bouche, ou sans articuler. D’autres s’interrompent, augmentant ainsi la difficulté qu’un malentendant peut avoir à suivre la conversation. La salle résonne souvent, amplifiant ainsi tous les bruits annexes. Et il y aura toujours des collègues qui seront trop loin de la personne qui entend mal, ou qui seront en contre-jour, et il sera impossible de lire sur leurs lèvres.
Au bout du compte, la réunion demandera un effort de concentration incroyablement épuisant au malentendant, pour des résultats de compréhension bien inférieurs à ce qui serait nécessaire pour vraiment participer.
Alors comment faire ?
Voici les stratégies que j’ai pu tester. Elles sont toutes imparfaites, bien sûr, mais permettent de quitter la réunion en étant moins déprimé que si on ne les applique pas du tout.
- En parler à la personne qui anime la réunion
Si l’on participe à une formation ou à un colloque, par exemple, il est très utile de parler au formateur ou au conférencier de son handicap. Cela permet de se mettre devant, le plus près possible de la personne qui parlera la plupart du temps.
En attirant l’attention du formateur ou conférencier sur notre difficulté à entendre, on lui donne en outre l’occasion de faire attention à nous, de mieux contrôler la façon dont il parle et de s’assurer régulièrement de notre compréhension.
- En parler aux collègues
Lors d’une réunion participative, cela peut être bien de dire ou rappeler aux collègues que l’on entend mal. Il vaut mieux aussi leur demander de parler assez fort et clairement, pour qu’ils puissent faire un effort conscient.
Malheureusement, les efforts ne sont souvent pas soutenus plus de quelques minutes. Les gens oublient.
Alors, faut-il interrompre constamment la réunion pour dire que l’on n’arrive pas à suivre ? C’est une prise de position difficile…
- Influencer le choix de la salle
Si c’est possible, demandez aux organisateurs de la réunion de choisir la meilleure salle possible au niveau acoustique.
Une salle plus petite, avec des plafonds plus bas, une salle qui ne résonne pas trop grâce à des panneaux acoustiques par exemple, permettra une meilleure transmission du son, et donc une meilleure compréhension pour un malentendant.
De même, un groupe assis autour d’une table ronde pas trop grande sera plus facile à comprendre que des personnes éparpillées autour de tables disposées en U ou en carré.
- Choisir sa place
Il y a plusieurs stratégies pour choisir sa place : on peut s’installer au milieu, de façon à voir tout le monde, ou à côté/en face de la personne qui va parler le plus, à côté de la personne qui parle le moins fort, de façon à avoir le maximum de personnes du côté où on entend le moins bien, etc.
A vous de tester et de voir ce qui vous convient le mieux, sachant que le choix de la place peut aider, mais les résultats ne seront pas magiques pour autant.
- Utiliser la télécommande des appareils
Si vous avez une télécommande avec vos appareils, c’est le moment de l’utiliser. Les réunions professionnelles sont une des rares occasions où j’utilise la mienne.
C’est vraiment là que j’apprécie la possibilité de régler le volume suivant la personne qui parle, et de diminuer les aigus lorsqu’il y a des bruits qui claquent (stylos posés sur la table, bruits de chaises, etc.), ou de les augmenter pour améliorer la compréhension.
- S’appuyer sur les supports visuels
S’il y a une présentation projetée, un ordre du jour imprimé ou autre support visuel, cela permet au malentendant de suivre grosso modo les conversations.
Si les réunions auxquelles vous assistez ne s’appuient sur aucun élément visuel, demandez-en, car cela vous aidera énormément à vous raccrocher à ce qui est dit.
- Le Saint Graal : le compte rendu écrit
En dernier recours, demandez qu’une personne prenne des notes, et fasse un compte rendu écrit de la réunion. C’est là que vous pourrez vraiment comprendre les grandes lignes de ce qui a été dit. Un compte rendu vous permettra aussi de faire vos retours par courriel si nécessaire.
Tous ces éléments peuvent aider à la compréhension lors d’une réunion professionnelle. Mais cela ne permettra pas une compréhension parfaite de la réunion.
Certaines aides technologiques, comme des micros déportés, ou des salles équipées de micros, peuvent aider à une meilleure compréhension, mais je ne les ai pas encore testées.
Le mieux reste encore, d’après mon expérience, d’accepter qu’on ne comprendra pas tout, et d’en parler avec les personnes responsables pour limiter les conséquences que cela peut avoir sur notre carrière. Puis de privilégier les rencontres en petits groupes ou en face à face.
Je continue à aller à des réunions professionnelles, même si je sais que je ne comprendrai pas tout. Il arrive que je ne parvienne à suivre aucune des discussions du groupe, ou presque. Mais je m’arrange toujours pour pouvoir parler à quelques personnes en tête à tête, avant ou après la rencontre, de telle sorte que ces réunions ne soient jamais une perte de temps, et toujours l’occasion de faire du réseau, et de rester en contact avec les autres dans mon domaine. Voire de prendre des rendez-vous pour des rencontres en plus petits groupes, afin de discuter de thèmes précis.
Et vous, comment gérez-vous les réunions professionnelles auxquelles vous participez ? Avez-vous trouvé d’autres moyens d’en tirer le maximum ?
Et si vous travaillez avec des malentendants, comment les incluez-vous dans vos réunions ?
Bonjour Armelle,
Je me reconnais dans cette situation. Tu n’es pas la seule! Moi-même, je suis sourd profond de naissance, appareillés très tôt, et suivi le cursus scolaire en intégration.
Je suis chef de projet dans une entreprise horlogère. Les réunions sont inévitables et pas toujours facile à suivre. Heureusement, mon chef est très compréhensif. Il m’a dit que c’est les autres qui doivent faire attention à moi. La théorie est jolie!
Suivant les personnalités des collaborateurs, je dois leur rappeler ou leur demander de répéter. C’est épuisant! Alors, je laisse les débattre et quand je sens que le débat arrive à sa fin, je leur demande quelle est la conclusion. Et là, ils me résument.
J’aimerai bien participer au débat pour leur montrer que je suis impliqué dans le travail. Mais jusque maintenant, personne ne m’a reproché de ne pas être professionnel.
Il y a heureusement le procès-verbal pour les grands lignes, et si sur certains points à clarifier, je vais vers la personne concernée…
Il y a aussi un autre moyen: prendre une interprète LSF (Langue de Signe Française). Souvent les réunions sont agendés à la dernière minutes et les interprètes ne sont pas toujours disponible. Et enfin, les termes techniques du domaine ou je travaille, ne leur sont pas assimilés…
C’est un peu la jungle, mais rappelle-toi, ce qui ne te tue pas, te rends plus fort! 😉
Thierry
Bonjour Thierry,
Ta façon de gérer les réunions est très intéressante ! Et c’est vrai que les autres devraient faire attention à nous. Mais dans la pratique, hein…
Pour moi l’interprète en LSF n’est pas une option, vu que je ne parle pas la LSF et que je ne suis qu’à l’oral. En effet, j’ai grandi avec une audition normale et ce n’est qu’à partir de 28 ans qu’elle s’est détériorée. Mais j’ai testé récemment la prise de note par quelqu’un d’autre, que je peux lire au fur et à mesure, et ça aide beaucoup. Et il s’agit d’une prestation que certaines associations pour les malentendants proposent ! À tester sur la durée !
Cher Armelle,
Je suis chargé de la politique d’égalité des chances à mon lieu de travail. L’employeur est obligé d’offrir des « aménagements raisonnables » aux collègues ayant des déficiences, dont une déficience auditive. Vous dites que « entendre l’essentiel » au travail est un sujet pour lequel vous n’avez pas trouvé de réponses vraiment satisfaisantes, mais il faut dire que vos conseils aident déjà beaucoup à comprendre que quelques adaptations toutes simples peuvent faire une grande différence aux collègues malentendants. Un tout grand merci !
Bonjour Stefan,
Merci beaucoup pour votre commentaire ! C’est vrai que souvent il suffit de choses très simples pour aider une personne malentendante, même si ça ne lui permet pas de tout suivre.
Je suis ravie que mon blog ait pu donner des idées à ce sujet.
Et si vous avez besoin d’aide ou d’informations pour aménager des postes pour des personnes malentendantes, n’hésitez pas !
Bonjour Armelle je vous découvre !
J’ai perdu l’ audition entre 30 et 50 ans progressivement et maintenant c’est la surdité totale. La souffrance au travail dans une association que j’avais créé et qui travaillait pourtant avec des sourds, mais signant, a été les deux dernières années inimaginable.
J’aimerais bien discuter avec vous pour ne pas m’étaler ici. Un des symptômes de mon côté est et d’écrire des mails trop long pour mes collaborateurs, relations de travail etc. en fait j’avais commencé à prendre l’habitude de dire par écrit pour éviter la conversation. Parce que durant les conversations j’avais beaucoup trop de mal à comprendre les autres. Finalement je me suis retrouvé signalee pour harcèlement Par une personne jeune, atteint d’un handicap cognitif léger de la avec qui on avait pas réussi à se comprendre. J’ai pris conscience ces dernier temps que j’ai forcé ma voix pour m’entendre avec les appareils auditifs. Lors ce que je les coupe ou les retire, ma voix est douce et posee. Le ton que j’emploie est beaucoup plus proche de ce que je ressens. Mais lors ce que je les appareils sont activés j’entends un tout petit peu les autres, bien que le principal moyen de les comprendre soit desormais la lecture labiale, complétée de notes ou d’une interface de reconnaissance vocale donc je suis obligé de les garder au travail.
Désolée des fautes de frappe, pour couronner le tout je me suis cassée le poignet droit ce weekend et j’ai envoyé le commentaire ci dessus en le dictant a l’iphone !
S’il y a moyen de reposter une version propre je corrigerai et compléterai (avec mes remarques axées sur les réunions)
Bon rétablissement à vous ! Et pas de souci pour les fautes.
Ah oui, j’imagine bien la souffrance que vous devez vivre au travail.
Et j’ai remarqué aussi que le ton de notre voix se modifie selon comment on entend. D’où les malentendus qui peuvent en découler ! J’espère que vous parviendrez à résoudre la situation difficile avec votre collègue. Peut-être pourriez-vous faire intervenir une association de malentendants ou un organisme qui pourrait sensibiliser vos collègues à vos difficultés, et vous donner des pistes sur ce qui peut être fait pour alléger votre fardeau?
Merci Armelle pour ce blog que je viens découvrir aujourd’hui et de nombreux articles résument le mal être que j’éprouve de plus en plus chaque jour.
37 ans, malentendant depuis l’âge de 16 ans. Cela s’est progressivement accentué sur qu’à arriver à une surdité profonde. Cadre ingénieur dans un grand groupe (en recherche et développement automobile) atteint de la « réunionite », j’arrivais à m’en sortir avec de nombreux efforts (salle à l’acoustique déplorable, une quinzaine d’interlocuteurs, …). Sauf que depuis 3 ans, le Groupe a décidé pour un gain de place et d’argent (fermetures de site, rassemblement du personnel dans mon de site, …) d’avoir recours à désormais 100% de réunions en ligne, via Skype, à partir de son bureau. La majorité des salles de réunions ont été supprimés, on est passé à des flex offices (plus personne n’a de bureau attitré, on a tous un pc portable avec un casque et Skype, …). Tout le monde fait ses réunions de sa place, avec son casque, en parlant à voix haute. L’environnement est bruyant, tout est en ligne, donc plus de lecture labiale durant les réunions, …). Et comme le Groupe est devenu international et a racheté un concurrent étranger, désormais, les réunions doivent se faire … en anglais… Depuis 2 ans, et ça va en s’intensifiant, je me renferme, je m’isole, je déprime, je coule. Pour me maintenir à flot, cela nécessite bcp d’effort, d’énergie, de concentration… pour essayer de comprendre des infos qui sont naturel et sans effort pour une personne qui entend bien. Les réunions dématérialisée en ligne, avec des interlocuteurs de différents sites me font déprimer. C’est dur.
Merci de partager votre vécu, Loïc. Est-ce que vos employeurs sont au courant de votre perte auditive ? Et vos collègues ? Vos employeurs ont normalement une obligation d’adapter votre poste pour que vous puissiez faire votre travail correctement, ce qui n’est pas le cas d’après ce que vous partagez.
J’ai eu un souci un peu similaire dans l’entreprise où je travaillais en Irlande, où je devais participer à une réunion en conférence chaque lundi. Il s’agissait d’une réunion qui se déroulait aux Etats-Unis avec un téléphone triangulaire de conférence posé au milieu de la table de réunion, et chacun parlait comme si ce téléphone n’était pas là. Les gens parlaient doucement, s’interrompaient, etc. Et je n’avais aucun support visuel pour m’appuyer sur la lecture labiale. Après avoir essayé plusieurs semaines de m’en sortir et m’être rendu compte qu’en fait je ne retirais absolument rien de ces réunions, j’ai demandé à mon chef de demander à quelqu’un d’autre de prendre le relais, ce qu’il a fait.
La difficulté dans votre cas, c’est qu’il semble que votre travail est basé sur ces réunions qui se produisent constamment. Du coup il y a plusieurs problèmes. Le premier est celui du bruit provoqué par tous ces gens qui participent à des réunions en Open Space et parlent à voix haute tout le temps. Là il vous faudrait un bureau isolé, ou au moins un moyen de vous isoler du bruit. Et ça, vous devriez pouvoir le demander à votre direction, c’est un besoin dû à votre handicap.
Ensuite, pour les réunions par Skype, le mieux que je puisse imaginer, c’est de demander à vos employeurs de vous abonner au service de Tadeo: https://new.tadeo.fr/un-service-pour-tous/ qui propose une transcription instantanée de la parole de bonne qualité dans des contextes de réunions, et ça doit être compatible avec des réunions dématérialisées. Après, je ne sais pas s’ils proposent le service en anglais, mais peut-être que d’autres entreprises anglophones le font !
Je compatis beaucoup avec votre situation et je vous souhaite de trouver un moyen de sortir la tête de l’eau.