En route pour Tadeo !

Dans le train en route pour Tadeo

Juste un petit mot pour vous tenir au courant : je suis en route pour Paris où j’ai été invitée par l’entreprise Tadeo à visiter leurs locaux et rencontrer d’autres blogueurs qui, comme moi, écrivent sur le thème de la surdité.

Tadeo, c’est une entreprise qui a créé le service Acceo. Ce service permet aux sourds ou malentendants dans les entreprises d’avoir un outil pour suivre les réunions d’équipes ou les appels téléphoniques, par exemple.

D’après ce que j’ai pu voir sur le site de l’entreprise, la personne sourde ou malentendante a juste une application à installer sur son ordinateur. Cela lui donne ensuite accès à des transcripteurs ou interprètes en LSF. Ce qui lui permet d’avoir l’intégralité des conversations transcrites par écrit ou traduites en LSF.

J’en saurai davantage tout à l’heure, après avoir visité les locaux de l’entreprise, et je partagerai avec vous mes découvertes dans un nouvel article à mon retour.

Mais voilà, c’est la première fois que je suis invitée quelque part en tant que blogueuse et je souhaitais le partager avec vous !

À bientôt pour plus de nouvelles !

Test : le bracelet vibrant Unitact

J’ai eu l’opportunité d’avoir le bracelet Unitact en test pendant une dizaine de jours, pour faire l’expérience de ce nouvel outil, et voir si ce bracelet dont tout le monde parle pourrait m’être utile en tant que malentendante.

Bracelet Unitact

J’ai vu que des personnes sourdes l’avaient testé et qu’il leur apporte un vrai confort au quotidien. Je voulais donc voir si, dans ma vie de tous les jours, ce bracelet pourrait aussi changer les choses pour moi.

D’abord, quelques mots sur le concept, et je reprends ici les mots de Thibaud Severini, co-fondateur et président de Novitact :

Notre ambition est de faire du sens du toucher une alternative à l’ouïe et la vue. Nous voulons libérer l’attention visuelle des sourds déjà très sollicitée pour qu’ils se sentent plus libres.

Le concept est intéressant, même si je ne suis personnellement pas plus que ça en recherche d’un sens alternatif à la vue. C’est sûrement pour ça que de nombreux sourds s’y sont retrouvés et ont adopté le bracelet immédiatement.

Je tiens aussi à préciser que j’ai testé une version Beta du bracelet ainsi que de l’application Unitact. Il ne s’agit donc pas de la version finale qui sera commercialisée, et certains des problèmes ou questionnements que j’ai eus seront peut-être résolus dès que l’appareil et l’application seront finalisés.

Voici donc les résultats de mes tests et essais.

Bracelet Unitact : dans la boîte

Dans la boîte du bracelet Unitact

A la réception, le bracelet Unitact est bien calé dans une boîte, et livré avec un chargeur et un câble USB de chargement.

Le bracelet lui-même comporte quatre symboles en relief, qui permettent d’envoyer des messages par le biais de l’application. Un de ces quatre symboles est un cercle qui contient des diodes qui s’allument lors du chargement et lors d’une alarme, par exemple.

Le bracelet Unitact branché

C’est simple, intuitif et la prise en main est très rapide.

Voici donc ce que j’en ai pensé. Gardez en tête qu’il s’agit de mon avis seulement, lié à ma situation auditive individuelle et à ce dont j’ai besoin dans ma vie quotidienne. C’est donc très personnel.

Les points positifs

  • Le bracelet tient bien, pas de risque qu’il tombe ou glisse.
  • On voit que c’est de la bonne qualité, le bracelet inspire confiance à ce niveau là. On n’a pas peur qu’il se casse ou qu’il se raye.
  • Les vibrations sont ressenties de façon très forte. Pas de danger d’en manquer une.
  • L’alarme est assez douce pour être agréable.
  • L’appli est intuitive à utiliser et assez ergonomique, déjà dans sa version d’essai. Cela laisse présager une bonne application à venir.
  • Il y a un bon potentiel d’amélioration et d’ajout de nouvelles fonctionnalités, de liens avec d’autres applications, etc. Le système lui-même est intéressant.
  • C’est assez simple et facile à prendre en main. J’imagine que cela peut être très utile aussi pour les personnes sourdaveugles, en raison des boutons tactiles différents pour envoyer des messages depuis le bracelet.

Les points négatifs

  • L’ergonomie : le bracelet est gros, en plastique, et cela tient chaud. Je trouve cela assez inconfortable à porter toute la journée, et je l’ai testé alors qu’il ne faisait pas trop chaud. Je pense que l’été, ça peut être gênant. De même, je ne me vois pas dormir avec parce que je n’arrive pas à l’oublier.
  • L’esthétique : je pense que quelque chose de noir, peut-être un peu plus fin, passerait mieux (après, c’est personnel).
  • Le fonctionnement : J’ai eu des problèmes de déconnexions intempestives avec mon smartphone. Par contre, ce problème là n’a apparemment pas été rencontré par les autres testeurs, donc ce n’est pas un problème généralisé.
  • Les vibrations : il faut une véritable courbe d’apprentissage avant d’arriver à les différencier.
  • Suite au point précédent : La vibration puissante du message qui arrive a tendance à me surprendre, et j’ai du mal à interpréter le message sans élément visuel supplémentaire (parce que je suis encore en train de me dire : « Aaah ! Ca vibre ! Qu’est-ce que c’est ! » que la vibration est terminée). Du coup, à chaque fois que le bracelet vibre, je me retrouve à vite regarder mon téléphone pour voir quel est le message.
  • Le prix : à presque 200 euros, il est vraiment plus cher qu’une bonne montre connectée !

Les possibilités à développer

  • Ce serait super que le bracelet puisse être mis en lien avec la sonnerie du téléphone, l’interphone, la sonnette de la porte d’entrée, un timer, et tous les autres bruits que l’on peut manquer et qui sont importants.
  • L’interaction avec d’autres applications sur le téléphone serait très utile, en particulier en cas de réception d’appels ou de messages ou autres.
  • Ce serait bien de pouvoir configurer avec quelles applications le bracelet devrait être connecté, un peu comme on configure quelles sont les applications qui peuvent envoyer des notifications à une montre connectée.
  • Je sais que la version finale proposera de choisir quelle vibration est associée à quel message, et c’est une excellente idée. Le fait de pouvoir personnaliser des messages sera utile aussi, pour s’adapter à la vie de chacun.
  • Ce serait bien aussi de pouvoir envoyer des messages au bracelet plus facilement qu’en passant par l’application. Un petit exemple : si je traverse la rue et que la personne qui m’accompagne veut me prévenir d’un danger, il faut qu’elle sorte son téléphone, qu’elle le débloque, qu’elle ouvre l’appli, qu’elle aille sur la page des messages et qu’elle envoie le message « Attention danger ». J’ai donc plusieurs fois le temps de me faire écraser. Quand j’ai posé la question, on m’a dit que le mieux serait que l’autre personne ait elle aussi un bracelet. Et c’est vrai que d’un bracelet à l’autre, c’est super ! Il suffit d’appuyer sur le symbole en relief correspondant au message qu’on veut envoyer, et en 2 secondes, c’est fait ! Mais à 200€ le bracelet, c’est un sacré investissement à faire. Pour les couples de malentendants ou de sourds, ou les groupes d’amis sourds ou malentendants, cela peut se faire et être utile, mais si on est surtout avec des personnes entendantes, je ne me vois pas faire acheter ce bracelet aux autres aussi. Du coup, cela serait peut-être bien de développer une petite télécommande pas trop chère que l’autre personne puisse avoir sur elle avec quelques messages préprogrammés à envoyer sur le bracelet, par exemple.

En conclusion

Mon expérience avec le bracelet Unitact n’a pas été très concluante, et pour moi dans ma vie quotidienne, je ne pense pas en avoir vraiment l’utilité.

Par contre, j’ai vu que de nombreux sourds l’avaient adopté, et je pense que cela permettra d’apporter un meilleur confort et une meilleure qualité de vie à plein de personnes.

En revanche, le test du bracelet Unitact m’a permis de me rendre compte de l’utilité de la vibration pour me prévenir de messages et autres réveils. J’ai donc maintenant une montre connectée qui me permet de me réveiller en douceur (et sans bruit), de m’alerter des appels, SMS, et emails importants, et je suis ravie !

Et si vous souhaitez voir d’autres avis de personnes sourdes qui ont testé le bracelet, vous pourrez en trouver par exemple ici et ici.

Ecoute mes lèvres, roman à découvrir

Ecoute mes lèvres est un livre que j’ai découvert grâce à une recherche du mot clé « surdité » sur le catalogue de la médiathèque de ma ville.

Ecoute mes lèvres

Il s’agit d’un roman pour adolescents d’un peu moins de 200 pages, écrit par Jana Novotny Hunter et publié en 2005 chez Bayard Jeunesse pour la version française, traduite de l’anglais (Etats-Unis).

L’écriture est très fluide (et la traduction aussi) et c’est un roman très agréable à lire qui plaira aux enfants dès le collège je pense, mais aussi aux adultes intéressés, pourquoi pas !

C’est l’histoire de Cat.

Cat est une jeune fille de 17 ans, sourde depuis ses 5 ans suite à une méningite. Elle étudie à l’institut des jeunes sourds de Californie.

Le roman commence par une brève introduction sur le ressenti de Cat au moment où elle s’est retrouvée sourde. Le personnage de Cat est convainquant, du haut de ses 5 ans, avec son sentiment d’être abandonnée par ses parents qui « l’avaient aimée tant qu’elle était en bonne santé, avec ses deux oreilles qui fonctionnaient, mais maintenant qu’elle n’entendait plus, qu’elle ne parlait plus, ils préféraient se débarrasser d’elle. »

Et c’est comme ça qu’elle ressent son inscription à la « cité des sourds », une école pour jeunes sourds où elle vit en internat depuis ce moment-là.

Dès le deuxième chapitre, on entre pleinement dans la vie quotidienne de Cat à la cité des sourds :  sa meilleure amie Bee, les profs, la vie à l’internat.

Et là, on apprend beaucoup de choses :

D’abord, on voit que l’institut pour jeunes sourds met en avant la communication totale, c’est à dire que les profs encouragent les étudiants à utiliser une communication orale ET la langue des signes.

Ensuite, on découvre qu’il y a un clivage entre oralistes, ceux qui sont adeptes de cette communication totale, et les signants qui préfèrent ne pas utiliser leur voix ni la lecture labiale, et communiquer en langue des signes.

Il s’agit vraiment de deux groupes qui s’affrontent, les oralistes qui font tout pour s’adapter au monde des entendants, et les signeurs qui pensent rester plus fidèles à leur identité en ne parlant pas et en utilisant exclusivement la langue des signes pour communiquer. Les signeurs pensent que les oralistes sont des traîtres à la cause des sourds, tandis que les oralistes raillent les signeurs qui ne veulent pas sortir de leur petit monde cloisonné.

Cat, au début du roman, est une signeuse pure et dure. Elle a même fait le serment avec sa meilleure amie de ne jamais avoir de contact avec l’extérieur !

Mais elle va rencontrer Joey qui est oraliste, et tomber amoureuse de lui. Bien sûr, ce nouvel intérêt amoureux bouleverse tout pour Cat, et cela va la pousser à aborder les choses différemment.

Elle se rend compte aussi que bientôt il va falloir qu’elle sorte de la cité des sourds, à la fin de ses études, pour affronter le monde extérieur, et cela lui donne envie de réapprendre à parler.

Cela va jeter le petit monde de la cité des sourds dans une tourmente où oralistes et signants vont s’affronter, Cat restant un peu coincée au milieu, jusqu’à une très belle résolution à la fin.

Ecoute mes lèvres est un roman qui m’a touchée.

A l’apparition de la surdité, Cat se sent rejetée et abandonnée par ses parents, et ses émotions sont très bien montrées. Tout comme son impression que la surdité disparaîtrait en grandissant, et l’horrible révélation que non, en fait, « quand on est sourd, c’est pour toujours ».

C’est une lecture que je conseille chaudement, parce qu’au-delà du thème de la surdité et des tensions qu’elle implique, le message est très humain :

Au bout du compte, c’est à chacun de choisir la communication et la façon de vivre qui lui convient.

Et c’est tout.

 

5 autres préjugés sur la perte auditive

Les préjugés qui vous empêchent de comprendre la perte auditive

Voici la suite de mon premier article au sujet des préjugés sur la perte auditive. J’aborderai ici cinq autres idées préconçues que j’ai déjà entendues ou subies un jour ou l’autre…

J’aimerais bien être sourd aussi, des fois, pour ne pas entendre les cons.

Il y a quelques variantes du genre : « Ah ça doit être reposant de ne pas entendre Machine glousser constamment/Truc ronfler/Bidule qui n’arrête jamais de parler« .

Alors oui, c’est sûr, on peut voir les choses comme ça. Mais est-ce que vous diriez à quelqu’un d’aveugle : « Ah ça doit être bien de ne pas voir une horreur du monde au choix ! » Ou à une personne en fauteuil roulant : « Ah ça doit être reposant de ne pas avoir à marcher ! »

Non, vous ne diriez pas cela parce que cela serait incroyablement insensible et malvenu ! Eh bien, c’est un peu pareil pour nous. C’est sûr, il y a un tas de bruits désagréables que nous n’entendons pas. Et il arrive que nous utilisions nous-mêmes cet argument pour essayer de nous sentir mieux, quand la souffrance de ne pas entendre comme il faut est trop forte. Mais l’entendre de la part de quelqu’un d’autre, cela revient à entendre quelqu’un d’autre nier ce que nous vivons, et diminuer énormément l’impact que notre perte auditive a sur notre vie.

J’entends bien que cela part peut-être (et même sûrement) d’un bon sentiment de la part de la personne qui dit de telles choses. Sûrement un effort de dédramatiser, de positiver, tout ça. Mais ce n’est pas ce que nous avons envie d’entendre, vraiment ! Nous avons besoin d’être écoutés et respectés avant tout.

Tu entends ce que tu veux bien entendre !

Je me souviens bien de quand j’étais petite. Mon grand-père, qui avait perdu son acuité auditive avec l’âge, avait une fâcheuse manie de comprendre ce qu’on ne voulait pas forcément qu’il comprenne, et par contre de ne pas comprendre ce qu’on essayait de lui dire.

Et je me souviens avoir entendu des membres de ma famille dire qu’il entendait ce qu’il voulait bien entendre, et qu’il avait une surdité sélective. Et à l’époque, je le croyais aussi. Et puis, j’ai perdu de l’audition aussi. Et je me suis rendu compte que non, on n’entend vraiment pas ce qu’on veut bien entendre. Ce n’est pas comme ça que ça marche, mais alors pas du tout !

En fait, il y a des jours où j’entends mieux que d’autres, des jours où je comprends une phrase dite en passant alors que la personne me tournait le dos. Et puis il y a des jours où on a beau me répéter 15 fois une phrase en me parlant assez fort, en face et en articulant bien, je ne parviens pas à la comprendre. La faculté que j’ai de comprendre certaines phrases plutôt que d’autres, à certains moments plutôt qu’à d’autres, dépend d’un tas de facteurs, comme mon état de fatigue, si la pièce résonne ou non, s’il y a du bruit de fond, ma capacité de concentration, et bien d’autres encore. Mais cela ne dépend en aucun cas de ma volonté.

Alors non, je n’entends pas ce que je VEUX bien entendre. J’entends ce que je parviens à entendre, et cela peut fluctuer énormément d’un jour à l’autre et même d’un moment à l’autre.

Pourquoi ne pas te faire implanter ? / Il doit bien y avoir un moyen d’opérer ça pour te rendre l’audition !

Ce serait vraiment bien si c’était le cas. Mais l’implant ou les opérations, d’abord, ce n’est pas pour tout le monde.

Comprenez-moi bien. Vous aurez peut-être entendu parler d’une personne de votre entourage qui avait perdu l’audition, et à qui il avait fallu une simple opération pour la retrouver. Et c’est vrai que c’est possible, dans des cas de surdités de transmission, en cas de problème avec les osselets par exemple. Mais cela ne marche pas pour toute le monde, parce que la cause de la perte auditive n’est pas forcément là.

Quant à l’implant, il s’agit d’un dispositif qui plante des électrodes dans la cochlée, la détruisant du même coup. Cela signifie que toute l’audition devient dépendante d’un appareil (et donc on obtient une qualité sonore numérique qui n’a rien à voir avec l’audition naturelle), et quand on l’enlève (pour dormir, se doucher, aller à la piscine, etc.), on n’entend absolument rien. Et puis, même pour les sourds, c’est une opération lourde et les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des attentes.

D’ailleurs, je viens de découvrir que ma surdité est due à une malformation génétique des cochlées, et il est probable que l’implant ne soit pas une option pour moi, même si je perdais complètement l’audition (c’est encore à vérifier, ceci dit).

Souvenez-vous donc que chaque surdité est différente, et que les « solutions » possibles diffèrent aussi d’une personne à l’autre. Et surtout, surtout, oubliez cette idée préconçue que la surdité est réparable dans tous les cas et qu’il est facile de « rendre l’audition » à quelqu’un ! Oui, on peut obtenir un meilleur confort d’écoute et une meilleure compréhension, grâce à la technologie ou à une opération, mais dans la plupart des cas, c’est vraiment le mieux qu’on puisse faire. Les situations où la surdité peut être « réparée » sont en fait plutôt rares.

Et c’est important que vous compreniez que même si nous avons un implant ou des appareils, nous restons des personnes sourdes ou malentendantes, et la technologie ne nous projette malheureusement pas dans la peau d’une personne entendante.

Tu dois pas être si sourde/malentendante que ça, tu as tout compris à la conversation !

Cette remarque, je l’ai déjà assez souvent entendue. Un jour où j’entends pas trop mal, parce que je suis en forme, parce que j’arrive à me concentrer, parce qu’il n’y a pas de bruit, parce que la personne avec qui je parle articule, est bien éclairée, etc. Dans ces cas-là, elle me fait plutôt plaisir, cette petite remarque. Parce que c’est un moment où je me sens plutôt bien, et je me dis qu’en fait c’est pas si grave, ma perte auditive.

Mais cela peut aussi se produire suite à une conversation que je n’ai pas tout à fait suivie, mais où je n’ai simplement pas fait répéter. Dans ces cas-là, je me rends compte que je suis devenue experte en bluff, et que ma capacité à faire semblant de suivre une conversation peut en tromper plus d’un.

Et dans ces cas-là, ce commentaire apparemment positif et anodin ne me fait pas plaisir. Il me met devant mes limites.

Parce que je n’aime pas bluffer. J’aimerais mieux ne pas avoir à le faire. J’aimerais vraiment mieux tout comprendre. Mais il arrive même que je ne me rende pas compte que je bluffe, parce qu’il s’agit d’un réflexe inconscient quand je n’ai pas compris quelque chose mais que je ne veux pas embêter mon interlocuteur en lui faisant répéter ce qu’il dit, ou parce que je me dis que ce n’est pas trop important donc pas trop grave (mais en fait je n’en sais rien !). Et il arrive aussi que je sois certaine d’avoir compris ce qui est dit, alors qu’en fait je suis complètement à côté. Ce genre de situation peut certes provoquer des quiproquos plutôt amusants (ou un peu humiliants, il faut bien le dire), mais encore faut-il que je m’en rende compte (en participant à la conversation de façon complètement erronée, par exemple). Si je ne réponds pas et que je me contente de sourire d’un air entendu ou de réagir avec une émotion appropriée, mon interlocuteur ne se rend absolument pas compte de mon manque de compréhension.

Bref. Cette observation est souvent un préjugé, parce que l’impression qu’elle exprime peut être totalement fausse.

Si tu es malentendante, ça doit pas te gêner, les bruits forts !

Là encore, c’est une idée préconçue qui s’avère souvent être inexacte. Pourquoi ? Eh bien, on peut être malentendant et hyperacousique en même temps !

C’est d’ailleurs mon cas. Qu’est-ce que ça veut dire ? Cela signifie qu’il me faut un certain volume (et une excellente clarté sonore) pour comprendre ce qui est dit, mais que trop de volume est très vite douloureux.

Les bruits forts ont toujours été difficiles à supporter pour moi, et j’ai d’ailleurs toujours eu des bouchons d’oreille avec moi pour protéger mon audition. Sans protection, je ne peux pas rester plus de quelques minutes dans un environnement très bruyant comme un bar avec de la musique à fort volume, une discothèque ou un concert.

Alors si vous pensez qu’en hurlant quelque chose, je comprendrai mieux, il y a de fortes chances que vous me fassiez juste peur.

Il y a sans aucun doute bien d’autres préjugés qui courent sur la surdité et la perte d’audition. Ceux que j’ai abordés sont les principaux que j’ai vus à l’oeuvre dans ma vie. Et vous, quels sont les préjugés que vous avez rencontrés ? Comment gérez-vous les situations où une personne vous assène une idée préconçue comme s’il s’agissait d’une évidence ?

5 préjugés sur la perte auditive

Les préjugés sur la perte auditive

Ce n’est pas évident de comprendre ce qui ne nous est pas familier. Et, comme pour tout, un bon nombre de préjugés courent au sujet de la perte d’audition, et tant que vous y croyez, vous ne parviendrez pas à comprendre vos collègues ou proches malentendants. Voici de quoi tordre le cou à quelques unes de ces idées préconçues.

« Tu es appareillée, donc tu entends bien ! »

Si seulement ! Nombreux sont ceux qui sont persuadés que les appareils auditifs, c’est comme les lunettes : on les met et hop, on entend ! Malheureusement ce n’est pas le cas… (Je me rends bien compte que ce n’est pas toujours le cas pour les lunettes non plus, d’ailleurs, mais ces préjugés sont bien là).

Imaginons que, sur une phrase de 10 mots, j’en entende naturellement environ 4 sans appareils. C’est un exemple, bien sûr, parce qu’il arrive que j’en entende plus, tout comme il arrive que j’en entende moins. Pour suivre cet exemple, avec les appareils j’en entendrai peut-être 7. Il m’en restera donc toujours 3 à deviner. Ce qui peut donc prêter à de nombreux quiproquos et problèmes de compréhension.

Donc ne vous leurrez pas, si quelqu’un est malentendant et appareillé, ne vous attendez pas à ce qu’il comprenne tout ce qui est dit dans toutes les situations. Car il y a beaucoup de situations où, avec ou sans appareils, nous sommes en difficulté, comme les situations de groupe, les réunions professionnelles, et les situations bruyantes par exemple. Ou même si vous êtes en contrejour, si vous parlez très doucement sans nous regarder ou si vous vous cachez la bouche.

« Ah tu es malentendante ! J’aimerais bien apprendre la langue des signes aussi… »

Il y a plusieurs variantes pour ce point-là :

« Je connais aussi quelqu’un qui parle la LSF » ou « J’ai fait Signe avec bébé avec mon enfant » ou « Je connais un sourd qui parle en LSF, je pourrais vous mettre en contact ? »

C’est une idée préconçue qui associe nécessairement perte d’audition, ou surdité, à la langue des signes. Comme si ce n’était pas possible d’être sourd ou malentendant sans parler la langue des signes.

Il y a autant de surdités que de personnes sourdes ou malentendantes. Chacun a sa propre situation. Certains communiquent grâce à la langue des signes, d’autres parlent français. Pour ma part, je suis née entendante, j’ai perdu l’audition petit à petit mais ma culture est toujours une culture orale, et je ne parle pas la langue des signes (pour l’instant en tout cas). Et je ne suis pas la seule à être dans ce cas. Pour d’autres personnes, c’est la langue des signes qui est à l’origine de leur épanouissement.

Si vous ne savez pas si une personne sourde ou malentendante communique le mieux à l’oral, en LSF ou par écrit, demandez-lui ou trouvez un moyen de le savoir, en parlant avec ses proches par exemple, plutôt que de présumer qu’elle parle forcément la langue des signes, puisqu’elle n’entend pas ou pas bien.

« Vraiment, tu es malentendante ? Mais pourtant cela ne s’entend pas ! »

Pourquoi est-ce que cela devrait s’entendre ?

Là encore, la diversité des surdités est flagrante. Certaines personnes naissent sourdes ou malentendantes, et ont besoin de l’aide d’un orthophoniste pour apprendre à parler. Vu que l’apprentissage de la langue se fait moins par l’audition que par le toucher, le son de la voix peut être différente. Mais cela n’est pas toujours flagrant, malgré tout.

Et pour les milliers de personnes qui, comme moi, ont perdu l’audition plus tard dans leur vie, cela ne s’applique pas. Alors non, cela ne s’entend pas et c’est aussi pour cela que les gens oublient si facilement que j’entends mal, et ne font plus attention à me parler en face, assez fort et distinctement. Mon handicap ne s’entend pas et ne se voit pas. Alors il faut que j’en parle si je veux avoir une chance de suivre les conversations.

« Tu es malentendante et tu écoutes/joues de la musique ? »

Eh bien oui, et pourquoi pas ?

Personnellement, j’ai commencé la musique bien avant de perdre l’audition. J’ai donc eu le temps de devenir une musicienne accomplie, jusqu’à ce que ma perte auditive me fasse perdre beaucoup de mes repères au niveau musical. Petit à petit, c’est devenu impossible de reconnaître une chanson ou un morceau de musique, d’en distinguer la mélodie ou encore les paroles. Je n’arrivais même plus à savoir si la chanson était en français ou en anglais !

Mais ça, c’est mon histoire. Et j’apprécie malgré tout beaucoup la musique, que j’écoute de préférence au casque pour en saisir le maximum de subtilités, et à petite dose pour ne pas fatiguer mes oreilles. J’ai même commencé à faire de la basse quand je me suis rendu compte que j’en entendais et que j’en aimais beaucoup la sonorité. Ce n’est pas toujours évident de retrouver des repères dans les lignes mélodiques et harmoniques qui ont été modifiées par ma perte auditive (heureusement, le rythme est un repère qui reste). Mais petit à petit, j’apprends à réentendre la musique, et à trouver de nouveaux repères qui me permettent d’avoir du plaisir à écouter et à jouer de la musique.

Et au-delà de mon histoire, il y a beaucoup de personnes malentendantes ou sourdes qui sont musiciennes, et très bonnes musiciennes avec ça. Voyez Evelyn Glennie par exemple !

« Tu as perdu de l’audition ? Mais tu es jeune ! »

C’est aussi un de ces  préjugés qui pousse les gens à penser que l’on ne perd l’audition qu’à partir d’un certain âge. La conséquence directe de cette fausse idée est la suivante : autant on pensera à une perte auditive quand on rencontrera une personne âgée qui semble avoir des problèmes de compréhension, autant on y pensera pas si la personne est plus jeune.

Imaginez la situation. Vous parlez à une personne d’une trentaine d’années, et elle vous fait répéter plusieurs fois ce que vous dites, pour finir par répondre à côté. Sa voix est « normale », dans le sens où elle n’a pas d’accent, et pas de problèmes d’élocution. Aucun handicap n’est visible, et ce n’est sûrement pas ce à quoi vous pensez en premier. Alors, à quoi pensez-vous ? Soit la personne est étrangère (mais elle n’a pas d’accent donc cela ne sera peut-être pas non plus votre premier réflexe), soit elle est stupide, soit elle essaie de vous faire enrager ? Peu de personnes penseraient, dans ce cas-là, que cet individu a peut-être tout simplement des difficultés d’audition.

C’est une situation qui m’est déjà arrivée, et si je ne pense pas à prévenir les gens que je suis malentendante, je vois bien le regard interloqué de la personne qui ne comprend pas ma réponse et ne parvient pas à comprendre pourquoi je réponds à côté. Et cette situation est sans aucun doute due au fait que je sois (relativement encore) jeune, et que mon handicap ne se voie pas et ne s’entende pas. Si je repère ce regard, j’explique vite que je suis malentendante, et je sens le soulagement ressenti par l’interlocuteur. Ah d’accord ! Tout s’explique !

La perte auditive et la surdité touche des enfants, des adolescents, des adultes et des personnes âgées. Il est vrai que la presbyacousie, avec sa perte caractéristique des fréquences aiguës, touche plus souvent les personnes vieillissantes, mais il peut y avoir tout un tas d’autres raisons pour une perte auditive : congénitale, génétique, suite à un accident, un virus mal soigné, une prise de médicament, ou suite à des nuisances sonores au travail par exemple.

 

Et il s’agit là seulement des cinq premiers préjugés que j’ai trouvés. Je partagerai prochainement cinq autres idées préconçues qui ont un impact négatif sur votre compréhension de la perte auditive.

 

 

Des nouveautés à partager

Ces derniers temps, j’ai découvert plusieurs nouveautés en lien avec la surdité.

J’aimerais vous en faire part ici.

Je suis pareil que toi

Je suis pareil que toi

Matthieu Boivineau, un jeune réalisateur, m’a contacté directement pour me faire découvrir son court-métrage intitulé Je suis pareil que toi.

Je partage avec vous son email, afin que vous compreniez sa démarche :

Je vous écris aujourd’hui pour vous faire part de la sortie du film  » Je suis pareil que toi « , mon dernier court-métrage autour de la langue des signes. Ayant réalisé plusieurs documentaires sur le monde de la surdité, j’ai très naturellement eu envie de défendre la cause des jeunes personnes atteintes de surdité par ce petit film de 2 minutes, réalisé avec la participation de jeunes sourds du centre Charlotte Blouin à Angers, avec en « guest » Vincent Novelli, champion du monde de tennis sourd.

Ce petit film très poétique et assez sensible raconte à travers les témoignages de jeunes sourds une multitude de gestes de la vie quotidienne et ambitionne de donner un autre regard sur la surdité. C’est sur le site du Festival Nikon que vous pourrez découvrir ce court-métrage ; http://www.festivalnikon.fr/video/2015/1567

Et le premier article sur le film sur le site handicap.fr : https://informations.handicap.fr/art-film-geste-reves-989-8513.php

Je vous laisse le découvrir et si vous voulez en parler autour de vous, sur les réseaux sociaux j’en serais ravi pour la cause que j’essaye de défendre par ce film !

J’ai visionné ce petit film avec bonheur, et je le partage pour que vous puissiez le découvrir (et voter pour lui, si le coeur vous en dit !).

Super Sourde

Super Sourde

Super Sourde est une bande dessinée de Cece Bell, auteure américaine de bandes dessinées et de livres pour enfants.

J’ai entendu parler de cette BD par hasard, en fait, et j’ai fini par l’acheter.

Aucun regret !

Cece y raconte comment, atteinte d’une méningite à l’âge de 4 ans, elle est rentrée de l’hôpital en ayant perdu l’audition. A partir de là, tout est plus compliqué : l’école, la maîtresse, les amis, et plus tard les amoureux.

J’ai trouvé ce livre drôle et émouvant à la fois. Et je me suis retrouvée dans de nombreuses difficultés rencontrées par Cece, y compris la difficulté à assumer la différence, la difficulté à expliquer aux gens comment nous parler pour que nous puissions comprendre, et le fait que même si on met la radio ou la télévision plus fort, cela ne garantit pas notre compréhension ! C’est juste du charabia, mais plus fort…

Si vous avez l’occasion de lire cette bande dessinée, de l’acheter ou de l’offrir, faites-le !

J’avancerai vers toi avec les yeux d’un Sourd

Sur le thème de la surdité et de la LSF de nouveau, ce film vient de sortir au cinéma mercredi dernier.

J’avancerai vers toi avec les yeux d’un Sourd est un film de Laetitia Carton, dont vous pouvez voir la bande annonce en cliquant ici.

Laetitia Carton décrit le film de la façon suivante :

Ce film est adressé à mon ami Vincent, mort il y a dix ans. Vincent était Sourd. Il m’avait initiée à la langue des signes. Je lui donne aujourd’hui des nouvelles de son pays, ce monde inconnu et fascinant, celui d’un peuple qui lutte pour défendre sa culture et son identité.

C’est un film que j’aimerais beaucoup voir, mais malheureusement il n’est pas programmé dans ma ville pour l’instant.

Vous trouverez en cliquant sur ce lien la liste des cinémas et des horaires des séances où le film est diffusé. N’hésitez pas !

Voilà pour les nouvelles pour l’instant !

Si vous avez d’autres informations sur des parutions, films, livres, événements en rapport avec la perte d’audition et la surdité, n’hésitez pas à commenter !

Non pas UNE, mais DES surdités

oreille barrée

 

J’ai lu beaucoup de commentaires, retours et témoignages de sourds et malentendants, ces derniers temps.

Et une chose m’a beaucoup frappée : nos différences !

Certains sont nés sourds ou malentendants. D’autres le sont devenus.

Certains ont une surdité légère, moyenne, tandis que d’autres sont atteints d’une surdité sévère, profonde ou totale.

Certains communiquent en langue des signes. D’autres non.

Certains écoutent ou font de la musique. D’autres non.

Certains peuvent suivre un film au cinéma sans sous-titres, d’autres ont plus de mal et pour d’autres encore, c’est complètement impossible.

Certains fréquentent une communauté majoritairement composée d’autres personnes sourdes. D’autres ne connaissent aucune autre personne qui entende mal, et ne sont entourés que de personnes entendantes.

Certains sont entre les deux. Nés sourds, mais oralistes, et peu à l’aise en langue des signes.

Ou devenus malentendants, mais préférant la langue des signes à une communication orale devenue trop difficile avec leur communauté entendante d’origine.

Certains pratiquent la lecture labiale constamment, tandis que d’autres la rejettent, ou ne parviennent pas à lire sur les lèvres de façon assez performante pour vraiment s’en servir.

Certains sont à l’aise avec leur surdité, et la considèrent comme une identité plutôt que comme un handicap. D’autres se sentent diminués, isolés, en deuil.

Et tout cela semble dépendre d’une multitude de facteurs.

Le fait d’être né sourd ou malentendant, ou de l’être devenu plus tard en est un, et pas des moindres.

La personnalité des gens, aussi, qui va faire que la personne va se sentir plus militante, plus résiliente, ou plus timide, effacée ou déprimée.

Leur situation sociale et familiale, leur environnement vont avoir une influence.

L’éducation fait également la différence. Si on a appris la LSF dès son plus jeune âge, ou si on l’a apprise plus tard, ou pas du tout. Si on a fait un parcours scolaire dans le public, avec des personnes entendantes, ou si on a été éduqué dans des écoles spécialisées.

Et puis, la perception auditive de chaque malentendant est différente ! Moi, j’ai perdu surtout des médiums. Les sons que j’entends sont déformés d’une certaine façon qui est propre à ma surdité. Une personne qui a perdu davantage d’aigus, ou de graves, aura une expérience auditive complètement différente.

Certaines personnes se sentent bien dans des milieux bruyants, alors que c’est insupportable pour d’autres.

Chacun réagit différemment à son environnement. Certaines personnes trouvent que les autres ne font pas assez l’effort de les inclure, tandis que d’autres personnes ont tendance à s’isoler d’elles-mêmes, ou à culpabiliser d' »embêter les autres avec leur handicap ».

La gamme de vécus différents est incroyablement vaste !

Et les réactions à ces vécus sont tout aussi diverses.

Quand on dit que LA surdité n’existe pas, mais qu’il y a DES surdités, c’est vraiment rien de le dire.

Et malgré tout, à travers ces différences, nous nous retrouvons.

Sur une expérience, un ressenti, une émotion.

Et à cette occasion, nous sortons de NOTRE surdité, notre expérience propre, pour toucher à quelque chose de plus universel.

Car certaines réactions par rapport à ce blog m’ont montré que vraiment, ce que je partage depuis la situation particulière dans laquelle je me trouve peut toucher bien d’autres personnes, y compris celles qui vivent quelque chose de très différent !

De ces découvertes de diversité, je garde une profonde humilité par rapport à mon expérience. Ce que je vis est unique, et je ne peux pas parler au nom de tous. Je ne peux que partager mon témoignage, mes découvertes, mes questionnements. Certaines personnes, qu’elles soient sourdes, malentendantes ou entendantes, se retrouveront dans ce que j’écris. D’autres non.

Et c’est peut-être très bien comme ça.
 

 

Perte d’audition : le casse-tête de la communication avec les enfants

CommunicationEnfants123rf

 

Vous êtes dans la rue, vous marchez tranquillement, sa petite main dans la vôtre, quand soudain, elle se met à vous tirer le bras. Vous regardez vers le bas pour comprendre ce qui se passe, et vous voyez son visage levé vers le vôtre. Et catastrophe : elle vous parle ! Impossible de comprendre un mot de ce que votre petite fille vous dit, entre le brouhaha des voitures, le bruit des pas, les conversations du café avoisinant, etc.

La solution serait de vous arrêter, de vous accroupir à son niveau, pour pouvoir vraiment comprendre ce qu’elle vous dit. Alors vous le faites, vous vous arrêtez, vous regardez autour de vous pour ne pas vous mettre au milieu du chemin, vous posez vos sacs par terre, vous vous baissez, vous rattrapez votre sac à main qui glisse le long de votre épaule, vous la regardez, vous lui dites : « Qu’est-ce qu’il y a, ma chérie ? »

Et là elle vous dit quelque chose du genre : « Tu as vu l’arbre ? Il avait plus de feuilles ! »

Bon, c’est mignon, et tout, mais vous êtes pressée, vous avez encore des courses à faire à l’épicerie, et vous avez juste le temps de les faire avant le rendez-vous chez le docteur. Vous expliquez donc patiemment : « Oui, c’est vrai, mais là il faut qu’on se dépêche, Léonie. Sinon on va être en retard chez le docteur. »

Son petit visage devient tout sérieux, et elle hoche la tête. Vous vous relevez, rattrapez vos sacs et sa main, équilibrez le tout comme vous le pouvez, et trois pas plus loin, même chose.

Alors vous avez le choix : soit vous ignorez le discours de l’enfant complètement, faisant comme si elle n’avait pas parlé ; soit vous lui dites, sans essayer de comprendre ce qu’elle dit : « Tu me parleras tout à l’heure, ma puce. Là il faut qu’on y aille, vraiment ! » ; soit vous vous arrêtez à nouveau pour l’écouter, et vous vous mettez un peu plus en retard. Mais si vous choisissez d’ignorer ce qu’elle dit, et qu’en fait elle a un besoin urgent de faire pipi, ou un caillou dans la chaussure, ou autre, cela peut avoir des conséquences assez ennuyeuses, entre les vêtements et chaussures mouillés, et le hurlement de douleur accompagné de pleurs impossibles à calmer.

C’est compliqué, la communication avec les enfants, quand on entend mal.

Et ce, pour plusieurs raisons.

  • Le langage peu compréhensible

Tout adulte aura du mal à comprendre un petit enfant qui est en train d’apprendre à parler, sauf peut-être les parents dudit enfant (et encore).

Pour un adulte qui entend mal, c’est pire !

Un enfant qui est en phase d’apprentissage du langage a souvent du mal à prononcer certains mots ou certains sons. Il peut aussi remplacer certains sons par d’autres, ou avoir des difficultés à articuler.

Certains enfants parlent malgré tout très vite, avalant la moitié des mots au passage, produisant ainsi ce baragouinage adorable qui terrifie la personne malentendante à qui l’enfant s’adresse, et ce pour une bonne raison : c’est incompréhensible !

D’où la tendance, peut-être, à se tourner vers les parents de l’enfant pour demander une traduction. Mais si on se trouve être le parent malentendant de cet enfant, c’est plus compliqué…

  • Le timbre de voix

Un enfant a une voix plus aiguë, plus haut perchée.

Pour peu qu’on ait justement perdu ces fréquences-là, cela devient vraiment difficile de comprendre ce que l’enfant dit.

  • La taille de l’enfant

Par essence, un enfant est, en général, plus petit qu’un adulte.

Bien plus petit, dans certains cas.

Or, nous avons besoin que la personne parle assez près de nos oreilles (et de nos yeux), si nous voulons avoir une chance de comprendre ce qui est dit.

Si la voix vient d’une hauteur située entre nos genoux et notre taille, c’est vraiment compliqué !

Ca va si tout le monde est assis, et donc assez proche, ou si on est assis et que l’enfant est debout. Mais si tout le monde est debout (et, encore pire, en mouvement, en ville, ou dans un environnement bruyant), alors là, ça devient vite mission impossible !

  • Les mouvements

La plupart des enfants sont quasiment tout le temps en mouvement. Et ils s’arrêtent rarement de bouger pour parler !

Du coup, un enfant va facilement commencer une phrase en nous regardant, et la finir en nous tournant le dos parce qu’il a vu un pigeon, ou tout simplement qu’il est en train de courir autour de nous.

Mais une personne malentendante a besoin que les paroles soient dites sans bouger, autant que possible, pour faciliter le positionnement des oreilles (et des appareils le cas échéant) par rapport au son, ainsi que la lecture des lèvres et des expressions du visage, qui aide toujours énormément à la compréhension.

  • Les « secrets »

Je ne sais pas pourquoi, mais quand on est enfant, on aime bien murmurer des secrets à son parent ou à ses amis adultes (ou enfants).

On cache sa bouche avec sa main, on colle la bouche et la main à l’oreille de l’adulte, et on chuchote le message que l’on veut faire passer.

Et pour un malentendant, cette configuration relève du cauchemar pour la compréhension.

En gros, on entend : « Eh ! Je vais te dire un secret ! »

Puis : « Pchi pchi pchi pchi pchi. »

Et allez-y, essayez de dire à un enfant de vous dire son secret en parlant assez fort, en articulant bien et en vous regardant bien en face. Eh oui, ça n’a plus grand chose d’un secret !

 

L’appréhension de devoir communiquer avec des enfants a déjà pu me faire paniquer. J’aurais tendance à m’extraire ou me soustraire aux occasions où c’est nécessaire.

Mais au final, je me suis rendu compte qu’il suffit de leur expliquer que j’entends mal, et que j’ai besoin qu’ils fassent un effort pour me parler. Ensuite, je les fais répéter quand je ne comprends pas, et ça se passe plutôt bien !

Le plus important, c’est de ne pas les ignorer ou faire comme s’ils n’avaient rien dit (ce qui n’est pas toujours possible, quand je n’ai pas entendu qu’ils parlaient, par exemple). Et à partir du moment où il y a du respect dans les deux sens, toutes les difficultés peuvent être surmontées.

Et vous, comment gérez-vous la communication avec les enfants ? Et comment les enfants de votre entourage gèrent-ils cette difficulté ?